Partie précédente

Kiffer !

Un éditeur de jeux ne devrait pas sortir quelque chose dont il ne soit pas complètement fou, excusez donc cette hyperbole. Notre dernière séance de playtest sur Savage Worlds : The ‘Nam a été une soirée typique. Permettez-moi de vous la raconter et vous comprendrez pourquoi.

Le décor

Le mystérieux Teller nous avait rendu une petite visite et nous fit jouer une petite aventure brutale au Viet-Nam. Nous jouions des Bérets Verts dépêchés pour rallier certains villageois le long de la frontière Cambodgienne. Ceux-ci étaient un groupe de moines reclus que l’on prétendait capables de prouesses martiales incroyables. Ils n’étaient amis ni avec le Viet Cong ni avec les pillards meurtriers du Cambodge, et pourraient se révéler de précieux alliés à notre cause.

Comme c’était du Savage Worlds, Teller ne craignait pas de nous fournir en plus une escouade complète de PNJ prêts à en découdre. Nous avons tiré leurs personnalités au dé et avons obtenu tout le spectre des types possibles. Jason était notre ambitieux lieutenant, Zeke jouait “Rain man”, notre “dieu du pilonneur” (un “pilonneur” est un lance-grenades M79), et moi (Shane) j’étais un musculeux interne en médecine musculeux de New York que tout le monde baptisa immédiatement “Doc Bronx”. Ma stature me désignait comme responsable du M60, j'officiais donc à la fois comme artilleur et comme doc’médic.

Descente urbaine

Après notre briefing et un bref trajet en hélicoptère au son de Surfin’Bird, notre périple débuta dans un petit village où un groupe de civils occidentaux venaient d’être massacrés. Nous trouvâmes un survivant et découvrîmes - à notre grande surprise - que les coupables étaient une équipe américaine sous couverture appelée les Black Cats. De manière évidente les civils étaient à la recherche d’un trésor - peut-être le trésor mythique des mêmes moines mêmes que nous étions venus chercher.

Pendant que Rain man et Doc Bronx distribuaient des barres chocolatées aux enfants et essayaient de limiter les dégâts, le Lt Guy contacta le QG par radio et se fit répondre que le survivant “se trompait”. En réalité les Black Cats n’existaient pas. Un peu de pénicilline (et le partage de mon View Master contenant des diapos de New York) nous valut une petite info en bonus. Un des gamins révéla à Doc Bronx que des chauve-souris géantes en provenance provenant de la forêt volaient leurs cochons.

Attaque de chauve-souris géantes !

Nous avons poursuivi notre mission et monté le camp pour la nuit dans un petit canyon quelque part entre le Cambodge et le Viet Nam. Comme nous en avions été avertis, une immense nuée immense de chauve-souris géantes nous tomba dessus. A notre grande horreur, en se regroupant, elles étaient suffisamment fortes pour emporter dans les airs un homme adulte! Deux de nos précieux compagnons subirent ce terrible destin. Doc Bronx et Rain Man forcèrent le lieutenant à tenter de les secourir, mais après une nuit complète de recherches dans les canyons escarpés de ces montagnes, nous réalisâmes que c’était sans espoir.

En terme de jeu, cette scène était incroyable. Savage Worlds propose des règles de fatigue simples mais efficaces qui simulent aussi bien la faim, le manque de sommeil ou la fatigue due à la chaleur. Notre région du Viet Nam était très chaude et humide : aussi la longue excursion et la poursuite désespérée à travers les montagnes risquait donc menaça réellement d’infliger des malus à notre escouade.

Doc Bronx et Rain Man se rangèrent à contrecoeur à l’avis du Lt. Guy d’que nous devions abandonner les recherches. Nos amis étaient soit déjà morts, soit en train d’essayer de nous rejoindre. Jason (Lt. Guy) fit ici un boulot extraordinaire ici et mérite une mention spéciale. Le Lt. Guy voulait vraiment poursuivre la mission, mais il savait ce qu’il se passerait s’il refusait de nous laisser partir à la recherche de nos camarades disparus. Il nous laissa faire juste assez longtemps pour que nous commencions à dépenser des Jetons sur nos jets de Fatigue puis nous “laissa” décider quand abandonner. C’était de la manipulation brillante.

Pluie de balles!

Après quelques très bonnes scènes supplémentaires nous nous sommes retrouvés dans le village des moines mystérieux - pour découvrir dix Black Cats en train de tous les abattre sans pitié. Nous avions déjà goûté au Viet Nam par le passé, et combattre des Viet Congs sous-entraînés armés d’e AK est une chose. Nous n’avions pas spécialement hâte de nous frotter à une escouade américaine armée jusqu’aux dents de lance-grenades, M60 et avec des compétences de Tir élevées ne nous emballait pas spécialement.

Notre escouade se tenait sur un escarpement surélevé directement derrière les Black Cats, une position parfaite pour tous leur tirer dans le dos. Mais avant que nous ne puissions décider quoi faire, un attaquant dissimulé sur notre droite nous balança une grenade! Nous avons répliqué à ce mystérieux adversaire également à coups de grenades également, mais quelques-uns de nos PNJ se retrouvèrent Secoués.

A ce moment-là, le lieutenant Guy cria “Américains! Américains! Cessez le feu! Cessez le feu!” Le commandant des Black Cats, un Major, hurla “Ne tirez plus!” et tout s’arrêta pendant quelques minutes angoissantes. Mon personnage, Doc Bronx, a le Handicap Serment (d’Hyppocrate en l’occurrence), je laissai donc mon M60 sur la crête, attrapai ma trousse médicale et courut vers la droite pour venir en aide à celui que nous avions assaisonné de grenades. Il s’avéra qu’il s’agissait de la section de soutien des Black Cats - un groupe de M60. Un de leurs médecins accourut pour aider également.

Le Major des Black Cats invita le lieutenant Guy d’un geste et ils se rejoignirent au milieu du terrain entre nos deux forces. Heureusement Jason avait pris l’Atout Étrange “Radar de combat” (rebaptisé ensuite Sixième Sens) et réalisa que quelque chose n’allait pas. Le Major et le Lt. Guy étaient tous deux en Attente, tout fut donc question d’un jet opposé d’Agilité. Jason l’emporta et parvint à se jeter dans un ruisseau tout en lançant une grenade aux pieds du Major. Celui-ci, en tant que Joker, encaissa les dégâts avec un Jeton et plongea à son tour dans un fossé peu profond, évitant tous les dégâts de justesse.

C’est alors que l’Enfer se déchaîna. Zeke avait l’Atout “Dieu du Pilonneur” et fit pleuvoir des grenades de 40mm sur le reste des Black Cats, avec une déviation réduite de moitié. Un autre de nos hommes se saisit du M60 que j’avais abandonné et se mit à arroser comme un dément. Cela aida beaucoup les tireurs à abattre leurs cibles (comme un deuxième état Secoué entraîne une Blessure, effectuer des tirs de suppression à l’arme lourde puis éliminer sélectivement les ennemis Secoués au fusil fonctionne parfaitement!)

Petit aparté

Cette bataille impliquait vingt combattants utilisant des tirs automatiques, des balles de M60 des grenades standard et de 40mm. Auriez-vous eu envie de tenir le compte des munitions dépensées ? Nous non plus. Heureusement, Tour of Darkness dispose d’une super méthode pour épargner ce cauchemar aux joueurs qui gèrent les PNJ et au MJ. Nous l’avons peaufinée durant cette session. Les règles complètes sont dans le livre, bien sûr, mais voilà en gros comment ça fonctionne. Les PJ tiennent le compte de leurs munitions normalement, en comptant chaque balle. Les PNJ démarrent avec un certain niveau, comme Très Élevé, Élevé (normal pour une patrouille), Bas et Épuisé. A la discrétion du MJ (en général après chaque combat) le niveau de munition d’un PNJ descend d’un cran. Il peut également descendre pendant un combat si le groupe tire un deux à l’initiative. Cela signifie qu’un groupe d’alliés avec peu de munitions peut se retrouver à sec au beau milieu d’un échange de tirs !

Non seulement c’est plus simple, mais cela conduit à des décisions vraiment dramatiques pendant les parties. S’il reste peu de balles à votre groupe vous choisirez peut-être de faire un détour pour refaire le plein ou de lancer une descente sur un village ennemi.

De la même manière que la règle sur les Suites d’un combat permet de dire quels combattants sont réellement morts et lesquels sont juste blessés (vous forçant à décider quoi faire d’eux) les règles de munitions vous font réfléchir comme un commandant réel avec des problèmes réels, sans avoir besoin d’avoir toujours le nez dans un bouquin!

“Laisse-moi te parler de mon personnage”

Alors que le combat faisait rage il arriva quelque chose de très intéressant à mon personnage (Doc Bronx). Le médic que j’assistais colla un M16 sur l’arrière de mon crâne. En terme de jeu, il avait l’ascendant (équivalent à une Attaque Surprise) et j’avais toutes les chances d’y rester (+4 à l’attaque, +4 aux dégâts). J’attendis jusqu’à pouvoir me mettre En Attente, et sachant qu’il ne ferait pas de prisonniers je décidai de tenter de me libérer. Jason et Zeke secouèrent la tête en souriant - “Tu pourras peut-être jouer ce type quand il t’aura fait sauter la tête” dit Zeke en riant, tout en désignant un de nos PNJ.

Le médecin ennemi et moi (Doc Bronx, je parle toujours à la première personne quand je joue au cas où vous seriez perdus) étaient tous deux En Attente. Pour interrompre son action je devais le battre sur un test d’Agilité. J’obtins un misérable 4 malgré la dépense d’un Jeton, mais la chance était avec moi. Le médic obtint un 2. Je balançai mon poing et frappai - mais fit des dégâts pourris.

Maintenant le médic avait le choix. Il bénéficiait toujours de son +4/+4 pour avoir l’avantage, mais était armé d’un fusil. Il ne pouvait me tirer dessus en combat rapproché à moins de reculer, mais cela me donnerait un coup gratuit. Teller choisit de le faire reculer, pensant certainement pouvoir balancer la sauce après avoir supporté un coup de poing minable. J’embrassai mon dé fétiche et lançai. Je touchai de justesse. Groumf. Mais j’étais un grand gaillard et avais une Force à d8. Je lançai le d8 et mon dé Joker et eu la chance d’obtenir un As sur le d6. Le nouveau jet me donna un total de 8 - pas de Blessure, mais assez pour Secouer le médic! C’était ma chance! Encore mieux, avant qu’il ait pu récupérer notre PNJ-sergent avait nettoyé la crête et le transforma en pulpe avec son propre M16.

Mise à jour (2009) : Notez que les dégâts de contact ont changé depuis - il n’y a plus de dé Joker sur vos jets de dégâts basés sur la Force comme c’était le cas quand les armes étaient exprimées en +1, +2, etc. plutôt que par +d4, +d6 et ainsi de suite.

La morale de cette histoire

A la fin de cette soirée, alors que nous jacassions tous sur le fait que cette partie avait été géniale, le commentaire qui revint le plus fut à quel point il était impressionnant que le jeu ait pu gérer une énorme fusillade de 20 combattants avec des mitrailleuses qui rugissaient et des explosifs qui volaient - et en même temps une escarmouche très détaillée entre deux individus (l’affrontement entre Doc Bronx et le médic).

Nous avons démarré vers 19h, créé nos personnages, avons plié deux combats, pris du temps pour de l’excellent roleplay avec les PNJ dans les villages ainsi qu’entre nos PJ et discuté pendant une heure des derniers points de règles avec lesquelles nous avions joué. Tout ça avant minuit.

Conclusion !

Et voilà. Relire tout ça me fait vraiment apprécier le dur travail de l’équipe de playtesteurs et des centaines de Yahoos qui y ont contribué. Merci du fond du coeur - non seulement du type qui le vend, mais du joueur qui ADORE y jouer.

Dernière salve (2009)

  • Qu’est-il arrivé à Jack ? “Smilin’ Jack” était notre mascotte originale, dessinée d’après le Crypt Keeper des vieux comics EC. Il semblerait que beaucoup le touvaient agaçant, mais il était également assez diffificile de le faire s’intégrer à tous les univers que nous créions. Donc en gros, nous l’avons bazardé. Mais il m’appelle de temps en temps depuis sa boîte solitaire. Et il n’y a rien de pire qu’un clown à ressort en colère…
  • Campagnes complètes : nous n’envisageons plus de faire des campagnes complètes comme Evernight. Maintenant que nous avons découvert les Plot Points nous sommes vraiment satisfaits de l’équilibre entre intrigue de fond et non-linéarité.
  • Un livre de règles à 10$ ? : La version “Explorer’s Edition” à 10$ de Savage Worlds a été un immense succès, et en est à sa deuxième réimpression. Nous sommes ravis que tant de nouveaux venus aient rejoint notre communauté.
  • Les Origins Award : Chez Pinnacle nous sommes plutôt incisifs quant à retourner aux Origins Awards pour nos prochains jeux. Savage Worlds a remporté le prix des Joueurs en 2003, même si cela n’a pas été mentionné pendant la remise des prix et qu’ils ne nous ont toujours pas envoyé nos trophées. Notre secteur est malheureusement bien moins professionnel que nous ne le voudrions. Mais vous avez fait votre part et avez voté, et nous vous en sommes assurément reconnaissants.
  • Surprises : La plus grande surprise aura été que Savage Worlds soit un succès. Entre le vieux Pinnacle et le nouveau, les choses allaient mal. J’ai écrit ce jeu non pas pour rebâtir l’entreprise comme elle était, mais parce que c’était le jeu auquel je voulais jouer. Il l’est toujours, et republier cet article n’a fait qu’augmenter encore mon enthousiasme. Heureusement, j’ai une partie demain soir. Nous sommes de retour à Stalingrad, et nous allons encore une fois devoir faire exploser ces fichus 88...
Retour à l'accueil