Par Shane Lacy Hensley et Tens of Thousands of Savage (Tiré des articles web originaux)

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L’épopée du Midwest américain

En février 2002 je fus invité à un grand week-end de wargame au magasin Le Dernier Carré de Madison, dans le Wisconsin. Deux groupes de très bons amis, rencontrés pendant l’aventure Pinnacle, habitaient sur le trajet. J’avais donc décidé de rallonger mon périple, de passer une nuit chez eux et d’en profiter pour faire quelques parties.

Sans que quiconque n’en soit conscient, j’avais également besoin d’un peu de temps sur les routes pour réfléchir à ce que j’allais bien pouvoir faire maintenant avec l’entreprise. Je passai la première nuit avec Mark Metzner et son équipe à Louisville dans le Kentucky. Nous sommes sortis, avons un peu joué à la X-Box et sommes finalement passés au jeu de rôle. Mark avait téléchargé une version d’essai d’un nouveau jeu sur la Seconde Guerre Mondiale (qui a été publié depuis) et nous nous sommes mis à le tester. À mon humble avis c’était un peu raté. Tout JdR qui se déroule pendant la Seconde Guerre Mondiale devrait être raisonnablement simple et rapide, et pour nous ça ne fut pas le cas. Les mécaniques de jets de dés étaient étranges, il y avait de nombreux types de blessure à prendre en compte et un combat contre cinq Nazis nous prit une heure. Je n’en ai rien dit à mon hôte, bien sûr, mais après un petit moment le groupe déclara qu’ils voulaient arrêter, aussi proposai-je une alternative.

Mise à jour (2009) : J’ai depuis confessé que ce jeu était Godlike. Je sais également aujourd’hui que non seulement il s’agissait de règles servant de playtest, mais qu’en plus nous avions compris plusieurs choses de travers. Les auteurs de Godlike sont des types en or et des concepteurs géniaux. Mes excuses à Dennis, Greg et John pour cette erreur. Il s’agit néanmoins d’une partie importante de cet article et pour le cheminement de mon raisonnement, je l’ai donc laissé.

Comme tout le monde jouait à Great Rail Wars (GRW), je leur ai proposé de rapidement créer des personnages de la Seconde Guerre Mondiale avec ce système. Il était environ 23h. Les personnages furent créés en quelques minutes. J’ai ensuite fait jouer l’aventure qui serait plus tard publiée dans le supplément Dead From Above pour Weird War II. Nous avons joué plusieurs combats importants contre des Nazis, une bataille aérienne paroxystique et un affrontement effrayant contre une gargouille volante. Tout le monde s’est éclaté et cela a été plus vite que quiconque n’aurait pu le croire. Nous avons terminé à 2h du matin. Trois heures, de la création des personnages à l’aboutissement du scénario. Et ce ne fut pas seulement rapide - ce fut aussi facile à mener.

Mon étape suivante fut Bloomington/Normal dans l’Illinois, pour une partie de GRW puis de Deadlands avec mes grands amis Dave Ross et Aaron Isaac. Ce fut aussi l’occasion pour moi de faire la connaissance de l’extrêmement talentueux Dr. Rob Lusk.

Mise à jour (2009) : Ce sont trois gars parmi les plus appréciables que vous puissiez rencontrer, que ce soit autour d’une table de jeu ou non. Dave et Aaron m’ont soutenu en de nombreuses occasions dans des situations que je pensais désespérées. L’enthousiasme constant de Rob Lusk pour Deadlands - et maintenant pour son propre jeu Sticks & Stones - est véritablement contagieux. Si vous avez un jour l’occasion de vous rendre à une de leurs conventions, FlatCon, je vous conseille de la saisir.

Pendant la journée nous étions environ huit joueurs sur Great Rail Wars avec des troupes à mille points chacun. Huit joueurs ne se connaissant pas, des centaines de figurines, des véhicules, des bateaux et des monstres. La partie dura environ trois heures. Incroyable. Je n’avais pas joué à GRW depuis un bon moment et j’avais oublié à quel point ça me manquait.

Le soir nous sommes allés chez le Dr. Rob pour une formidable partie de Deadlands. Ce fut très amusant mais nous étions un gang de 11 joueurs et les combats s’avérèrent un peu longuet.

Rien de catastrophique, mais sans comparaison possible avec mon expérience de la veille.

Après la partie, Dave, Rob et moi nous sommes installés et avons discuté pendant des heures de cette nouvelle idée. D'un système qui serait rapide et simple. Est-ce que ça intéresserait les gens ? Y avait-il un marché pour ça ? Eux étaient clairement intéressés. Comme moi, ces gars étaient un peu âgés (plus de la (la mi-trentaine et plus), avec des enfants et un boulot. Ils voulaient un jeu dans lequel ils pourraient se lancer sans passer des heures en préparation, avec des combats rapides, fluides mais ne faisant pas forcément l’impasse sur les petits détails. J’ai une fois été mis à l’amende pour un choix de mots malheureux, disant que nos fans étaient des joueurs plus “matures”, mais c’était cela que je voulais dire. Les joueurs de notre âge ont des difficultés à jouer à cause des contraintes de temps et d’engagement familial. Nous avons besoin de jeux qui s’adaptent à l’évolution de notre style de vie. Je leur parlais de tout ça et de ce que j’avais vécu la nuit précédente, et ils devinrent comme moi de plus en plus enthousiastes.

Mise à jour : cette discussion fut finalement ce qui me décida à créer Savage Worlds. Merci les gars. Vous n’avez aucune idée d’à quel point ce voyage fut génial. Est-ce que “plus rapide” veut forcément dire “meilleur”?

Si j’étais vous et que je lisais ceci, je penserais “Punaise. Ce type là, Shane, tout ce qu’il veut c’est des combats rapides. Tout son jeu, c’est juste ça.” Oui, je veux des combats plus rapides que dans tout ce à quoi j’ai joué. Mais je veux aussi pouvoir créer des personnages avec de la profondeur, aussi profonds que ce que permettent Deadlands et le système D20. Je trouve que les dons sont supers par exemple, et j’adore nos propres Atouts et Handicaps. Mais je ne veux pas avoir besoin d’un logiciel pour créer un personnage à ma place. Pas plus que je ne veux devoir tenir la main à un nouveau joueur durant chaque étape de la création.

Mise à jour (2009) : Notre “vitesse”, comme je le réalisai plus tard, ne provient pas de la grande simplification des jets de dés, mais du faible besoin de se référer aux livres en cours de partie. La raison principale pour laquelle les joueurs n’essaient pas de nouveaux jeux de rôle est qu’il faut apprendre un nouveau système. Un nouveau JdR doit donc être compréhensible en environ une page. Est-ce que c’est seulement possible?

Oui. Notez que je n’ai absolument pas dit que ce qui résulte de tout ça est “Le Jeu Parfait”. Cela n’existera jamais car chacun a des goûts différents - croyez-moi. J’ai lu des milliers de propositions au fil des années, et au moins autant d’approches différentes. Mais ce que fait Savage Worlds est exactement ce que je veux, en tant que joueur et en tant que MJ : faciliter mon travail pour que je puisse me contenter de jouer.

En tant que MJ :
  • Je veux un jeu où il soit facile de créer à la volée des monstres, des PNJ, des objets magiques, etc. Si j’ai besoin de parcourir un paquet de tableaux, d’ajouter des points (en tant que MJ, pas en tant que joueur) ou autre, c’est trop complexe.
  • Je veux un jeu où les “sbires” sont soit debout, au sol ou hors de la table. Je ne veux avoir à garder la trace des blessures que pour les méchants importants, les boss, les dragons, etc., pas pour les PNJ mineurs.
  • Je veux un jeu qui gère facilement les véhicules. Dans la plupart des jeux les règles nécessitent un doctorat pour être décryptées.
  • Je veux un jeu qu’un ami qui n’y joue pas puisse observer et comprendre d’un coup d’oeil. La règle de base pour Savage Worlds peut être décrite en une phrase (“Regarde le type de dé de ta compétence et lance-le”).
  • Je veux un jeu dont les fondations permettent de jouer dans n’importe quel contexte tout en me permettant d’insérer des règles spéciales pour coller à des genres spécifiques. De l’horreur nécessite des tables de terreur plus détaillées par exemple, tandis que du pulp héroïque doit être moins mortel qu’en Seconde Guerre Mondiale.
  • Je veux ne lancer qu’un dé d’attaque pour mes créatures pour voir si elles touchent sans avoir à faire de calcul. Si trois orcques se concentrent sur un héros je veux lancer 3 dés, vérifier si ça touche et c’est tout.

Mise à jour (2009) : Écrire les statistiques en D20 pour les gammes Deadlands, Weird Wars et un ouvrage que nous avions appelé Hostile Claims a vraiment prélevé son tribut sur moi en tant que concepteur. Le système D20 a une structure très détaillée dépendant de la classe ou du type de créature que vous créez. Les morts-vivants, par exemple, n’ont pas de score de Constitution alors que les plantes intelligentes ont parfois beaucoup plus de points de compétence que ce que vous voudriez dépenser. Créer des ennemis de haut niveau devient extrêmement compliqué. Pour créer un PNJ multiclassé de niveau 20 pour Lost Colony, John Hopler a mis trois bonnes heures.

Il est important pour les fans de ce système que les choses soient bien faites. Ce qui signifie que vous devez non seulement suivre les règles de manière précise mais que vous devez également les vérifier à plusieurs reprises à la recherche de la moindre erreur. Je comprends cela et j’apprécie ce style de jeu. Mais ce n’est tout simplement pas le nôtre et ce fut extrêmement pénible pour nous. Alors, après avoir bouclé nos livres en D20, il était absolument indispensable à nos yeux de pouvoir créer des ennemis dans Savage Worlds aussi rapidement et simplement que possible.

En tant que joueur :
  • Je veux un jeu de rôle qui permette de donner une vraie profondeur aux PJ. Je veux voir mon personnage grandir, gagner de nouvelles capacités et augmenter ses attributs et ses compétences.
  • Je veux un jeu de rôle qui permette de gérer les batailles à grande échelle rapidement. Si mon Sergent de la Seconde Guerre Mondiale persuade des villageois de se battre à ses côtés, je veux les avoir et les faire combattre sur la table, pas juste les évoquer puis les oublier dans un coin.
  • Je veux que mes alliés PNJ aient un nom et au moins un trait de “personnalité” chacun. Si mon Lieutenant au Vietnam doit envoyer un éclaireur sur la colline, je veux savoir lequel est “tête brûlée”, “fiable”, “discret”, “paresseux”, etc.
  • Je veux un léger contrôle sur les dés - comme les Points de Destin ou les Jetons. J’aime les jeux de rôle où les personnages peuvent être tués en un coup, mais j’aime aussi avoir une chance d’éviter la flèche de ce gobelin chanceux qui m’a touché pile dans l’oeil, sans que j’aie quoi que ce soit à me reprocher. C’est le facteur “chance” qui est important toutefois - il n’y a à mon avis aucun suspense si les joueurs savent que leurs héros ne peuvent pas mourir.
  • Des “jets de dés ouverts”. Si je suis chanceux et que j’obtiens ce gros score, je veux continuer à lancer et avoir l’impression d’avoir conquis le monde.

Est-ce que Savage Worlds permet cela? Évidemment que nous le pensons. À vous de vous faire votre propre opinion.

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